L’Association des Tunisiens des Grandes Ecoles (ATUGE) a organisé, à l’occasion de la date symbolique du 14 janvier, un webinaire ayant pour thème «La diaspora : Télétravail à partir de la Tunisie». Plusieurs intervenants ont profité de cet événement pour partager leur retour d’expérience sur leur travail à distance depuis la Tunisie.
Emna Kharouf, Présidente de l’ATUGE Tunisie et Managing Partner de Deloitte Afrique Conseil était la modératrice de cette conférence virtuelle. Les panélistes, issus de différents parcours et domaines d’activité, sont basés principalement en Europe et aux Etats-Unis. Ils ont fait le choix de venir faire du télétravail en Tunisie. Installés dans différentes régions du pays, ils ont pu collaborer à distance avec leurs employeurs et prestataires.
Le télétravail en Tunisie, moins déprimant en période de pandémie
C’est ce qu’a assuré Ines Ghenimi, manager dans un cabinet de conseil Awalee Consulting en mission à la BNP Paris. Cet ingénieur diplômé de l’INSAT a quitté la Tunisie depuis 14 ans, pour continuer ses études à Paris. Elle explique les raisons qui l’ont amenée à faire du télétravail à Tunis depuis plus de deux mois : « Depuis ma première expérience du confinement, ce qui m’a le plus gênée, c’est la solitude , le fait d’être loin de ma famille et la non-visibilité par rapport à la situation du Covid-19. Suite au deuxième confinement, j’ai demandé une autorisation à mon employeur pour pouvoir travailler à distance depuis la Tunisie. Il a immédiatement accepté et franchement, je ne regrette pas mon choix. Je peux travailler de n’importe quel endroit, du moment que je suis connectée avec mon PC et ma clé 4G ».
Ines avoue que le confinement à Paris est beaucoup plus limité en terme de sorties : » Même si en Tunisie, les sorties sont restreintes durant le confinement, on peut vivre dans une surface beaucoup plus grande et agréable à vivre. De plus, on a toujours la possibilité dans un même quartier, de se retrouver avec des amis ou des membres de sa famille. Je n’ai donc pas hésité une seconde pour revenir travailler au pays » précise-t-elle.
Même son de cloche pour Karim Jbeli, Directeur de projet Expert BI énergie (Paris). Diplômé de Paris Dauphine en 2008, il a commencé sa carrière en travaillant pour un éditeur de logiciels à Paris, avant d’intégrer le groupe EDF en tant que directeur de projet.
Installé pour télétravail depuis 3 mois en Tunisie, Karim déclare qu’au début, il était juste rentré pour un congé de deux semaines. Entre temps, un deuxième confinement avait été décrété. Son employeur a accepté qu’il travaille à distance.
« Je passe plus de temps avec ma famille et selon mon point de vue, le niveau de vie à Tunis est bien meilleur qu’à Paris, surtout dans ce contexte particulier. Dans la ville des lumières, il pleut tout le temps, on vit dans des petits appartements, on n’a pas de jardins. En revanche, le beau temps, les amis et cette proximité avec le monde nous permet d’avoir le moral » avoue Karim.
Des opportunités d’investissement et d’entrepreneuriat
De son coté, Maroua Sallami, Analyste à la Banque Mondiale et installée à Washington, se trouve en Tunisie pour les mêmes raisons, sauf que c’est son propre employeur qui lui a demandé de rester pour travailler à distance.
Maroua a effectué ses études aux Etats-Unis où elle a obtenu son master. Elle a ensuite travaillé à la Banque Mondiale sur le développement du capital humain en Afrique. Elle précise : « Je me trouvais à ce moment là en vacances en Tunisie. Cela m’a permis de pouvoir en même temps profiter de ma famille et du tourisme local : visiter plusieurs villes, aller à la mer etc. De plus, la situation difficile que vit en ce moment la ville de Washington et la situation sanitaire ont été des éléments déclencheurs ».
Un contexte Covid qui créé des incertitudes et des changements de comportements sociaux que les panélistes ont eu à vivre en revenant dans leur pays natal et s’entourer de repères (famille, amis, habitudes…). Pourtant, chacun a pu découvrir, durant cette période de télétravail, des points qu’ils n’auraient jamais pu entrevoir lors de leurs vacances habituelles. Il s’agit pour certains, d’opportunités d’investissement, un meilleur rythme de vie (avec une possibilité de s’installer à long terme) ou encore une envie d’entreprendre.
Amine Belkhiria, CEO Leanios GmbH i.G à Munich, ingénieur logiciel spécialisé dans les applications web et Cloud est installé depuis une douzaine d’années en Allemagne, a même pu gagner des clients et découvrir un certain potentiel sur le marché tunisien.
« Ca fait un mois et demi que je suis en travail à distance en Tunisie, depuis la ville de Sousse. Comme les restrictions sont moins importantes qu’en Europe, cela m’a permis en tant que responsable d’entreprise, de me connecter avec beaucoup plus de gens » souligne le CEO de Leanios, avant d’ajouter : « Au début, lors de la création de ma startup, on ne s’intéressait pas du tout au marché tunisien. Depuis que je suis installé en Tunisie, j’ai été agréablement surpris par l’existence de beaucoup d’opportunités d’investissement et de gens très intéressants. Stratégiquement, nous avons pris des décisions pour nous focaliser d’avantage en Tunisie ».
Amine Triki, qui travaille pour un cabinet de Transport Ferroviaire basé à Londres, a pu quant à lui, découvrir plusieurs aspects professionnels intéressants en Tunisie. En effet, ce diplômé de Supcom qui a travaillé dans plusieurs pays (Turquie, Corée du Sud, Paris,…) est revenu plusieurs fois en Tunisie pour des missions ponctuelles.
« Je travaille depuis un an en télétravail en Tunisie et je vais bientôt repartir. Je compte évidemment revenir prochainement car ce passage m’a permis de me projeter d’ici quelques années après avoir étudié le marché local » assure-t-il.
Les limites du télétravail en Tunisie
Pour faciliter un peu plus le télétravail, éliminer les freins et pourquoi-pas, promouvoir la Tunisie comme un nouveau centre pour le télétravail, les panélistes ont chacun pu donner leur point de vue. Ce qui en ressort, c’est l’existence d’un flou concernant les extensions d’assurances et les couvertures médicales.
« On ne sait pas s’il existe des produits d’assurance en Tunisie. Il a fallu que je paie une assurance supplémentaire internationale pour moi et ma famille beaucoup plus chère. J’aurai pu, cependant, souscrire à une assurance tunisienne plus spécifique qui m’aurait couvert durant une période particulière » déplore Amine Triki. Il en va de même pour l’infrastructure IT qui selon le responsable, reste encore assez limitée. Il précise dans ce contexte : « Ca concerne surtout la fibre optique qui n’est pas accessible partout. Avant que je vienne en Tunisie, j’ai même fait des demandes pour pouvoir installer la fibre optique dans la maison familiale, mais je n’ai pas eu de réponse depuis plusieurs mois. J’ai donc été obligé de m’équiper de 3 smartphones en 4G pour pouvoir être constamment connecté à des réunions ».
Enfin, les participants au webinaire n’auront pas manqué d’évoquer leur statut, qui reste méconnu en Tunisie. Ainsi, ils sont obligés de rentrer après une certaine période et de jongler avec les jours, pour éviter qu’ils soient doublement taxés. Selon eux, le gouvernement pourrait réfléchir à la création d’un statut particulier pour les résidents tunisiens et non-tunisiens sous contrat à l’étranger.